Quels sont les défis de la préservation des œuvres d'art numériques et des installations interactives ?

juin 7, 2024

L'art numérique est de plus en plus présent dans notre quotidien, que ce soit à travers les œuvres numériques, les installations interactives ou encore les expériences immersives. Ces nouvelles formes d'art posent cependant un défi majeur : leur conservation. Comment préserver une œuvre d'art qui se matérialise sous forme de données, de vidéos, de technologies, d'interactions ? Comment garantir que cette œuvre sera toujours accessible au public et pourra être expérimentée de la même manière dans le futur ? Dans ce contexte, les artistes, les conservateurs, les technologues et les amateurs d'art sont confrontés à une série de défis.

La technologie : un médium éphémère

L'art numérique est par nature éphémère. En raison de son caractère évolutif et de sa dépendance à l'égard de la technologie, il est difficile de conserver une œuvre d'art numérique dans son état d'origine. Les artistes utilisent les nouvelles technologies pour créer, mais ces technologies évoluent rapidement, rendant certaines œuvres obsolètes ou inaccessibles.

Pensez à l'artiste qui a créé une œuvre d'art vidéo sur VHS dans les années 1980. Comment cette œuvre peut-elle être conservée aujourd'hui, à une époque où les lecteurs VHS sont obsolètes ? Comment garantir que cette œuvre sera toujours accessible au public dans le futur ?

Le défi est d'autant plus grand pour les installations interactives qui dépendent de technologies spécifiques pour fonctionner. Si ces technologies deviennent obsolètes, toute l'expérience de l'œuvre d'art peut être perdue.

La dépendance à l'égard des données

Aujourd'hui, les données sont au cœur de l'art numérique. Les œuvres numériques sont en fait un ensemble de données qui, une fois traitées par la technologie, deviennent une expérience pour le spectateur.

Le problème est que les données peuvent être corrompues, perdues ou devenir inaccessibles en raison de changements technologiques. De plus, les œuvres d'art numériques ne sont pas toujours conçues pour être durables. Les artistes peuvent créer une œuvre pour une exposition spécifique, sans penser à sa conservation à long terme.

Il est donc essentiel de mettre en place des stratégies de sauvegarde et de conservation des données pour garantir la pérennité des œuvres d'art numériques.

La conservation de l'expérience

L'une des caractéristiques qui distinguent l'art numérique des autres formes d'art est son caractère interactif. L'œuvre d'art n'est pas seulement quelque chose à regarder, mais aussi quelque chose à vivre. C'est une expérience qui implique le public de manière active.

La conservation de cette expérience est un défi majeur. Comment conserver une œuvre d'art qui est conçue pour être expérimentée de manière interactive ? Comment garantir que les futurs spectateurs pourront vivre la même expérience que les spectateurs originaux ?

La question des droits d'auteur

La conservation de l'art numérique soulève également des questions juridiques, notamment en ce qui concerne les droits d'auteur. En effet, l'art numérique est souvent basé sur l'utilisation de technologies, de logiciels et de données qui sont protégés par des droits d'auteur.

Cela pose la question de savoir qui possède les droits sur l'œuvre d'art. Est-ce l'artiste qui a créé l'œuvre ? Est-ce la personne ou l'organisation qui a fourni la technologie ou les données utilisées pour créer l'œuvre ? Ou est-ce le public qui participe à l'expérience de l'œuvre ?

Un défi pour l'avenir

En fin de compte, la préservation des œuvres d'art numériques et des installations interactives est un défi pour l'ensemble du monde de l'art. Elle nécessite une collaboration étroite entre les artistes, les conservateurs, les juristes et les technologues pour développer des solutions innovantes et durables.

Il est crucial de relever ce défi si nous voulons que l'art numérique continue à enrichir notre expérience culturelle et à nous faire réfléchir sur notre monde en constante évolution.

L'obsolescence planifiée des technologies : un frein majeur

L'obsolescence planifiée des technologies est un obstacle majeur à la préservation des œuvres d'art numériques. Par nature, la technologie est en constante évolution et cette dynamique rend la conservation des œuvres numériques extrêmement complexe. Les systèmes d'exploitation, les logiciels, les formats de fichiers, tout change à un rythme effréné. Des œuvres qui étaient pleinement fonctionnelles sur une version d'un logiciel peuvent devenir inopérantes après une mise à jour. De même, une installation interactive créée avec une technologie spécifique pourrait ne plus fonctionner si cette technologie n'est plus soutenue ou devient obsolète.

C'est le cas par exemple des logiciels Adobe Flash et QuickTime qui étaient largement utilisés par les artistes numériques mais qui ne sont plus disponibles ou soutenus aujourd'hui, rendant de nombreuses œuvres inaccessibles. Comment alors assurer la pérennité de ces œuvres ? Il est nécessaire de développer des solutions de conservation qui prennent en compte cette obsolescence planifiée. Il pourrait s'agir par exemple de convertir les œuvres dans des formats plus durables ou moins susceptibles de devenir obsolètes, ou de développer des émulateurs capables de simuler l'environnement technologique original.

La nécessité de documentation et de dialogue

La documentation et le dialogue entre les différents acteurs impliqués dans la création et la conservation des œuvres d'art numériques sont essentiels pour la préservation à long terme de ces œuvres. En effet, la nature interactive et éphémère de ces œuvres nécessite une documentation détaillée qui va bien au-delà de la simple capture d'écran.

Il est important de documenter le processus de création de l'œuvre, l'intention de l'artiste, les interactions possibles, l'expérience vécue par le public, les technologies utilisées et leur fonctionnement. Cette documentation doit être accompagnée d'un dialogue constant entre l'artiste, le conservateur, le technologue et le juriste. Cela permettra de comprendre l'impact des choix technologiques sur l'œuvre, de prévoir les problèmes de conservation et de définir les meilleures stratégies pour préserver l'œuvre.

Les artistes, eux-mêmes, peuvent jouer un rôle actif dans ce processus en intégrant la conservation dans leur processus de création. Ils peuvent par exemple opter pour des technologies plus durables, documenter leur processus de création et leurs intentions artistiques, ou encore collaborer avec les conservateurs et les technologues pour trouver des solutions de conservation adaptées.

Conclusion

La préservation des œuvres d'art numériques et des installations interactives est un défi majeur pour le monde de l'art. Il est urgent de développer des stratégies de conservation adaptées à la nature éphémère, interactives et technologique de ces œuvres d'art. Ces stratégies doivent prendre en compte l'obsolescence planifiée des technologies, les questions de droits d'auteur, la nécessité de documenter l'œuvre et le processus de création, et la conservation de l'expérience vécue par le public.

Ce défi nécessite une collaboration étroite entre tous les acteurs impliqués : artistes, conservateurs, technologues, juristes et public. C'est en travaillant ensemble que nous pourrons garantir la pérennité de ces œuvres et permettre aux générations futures de les découvrir et de les apprécier. Après tout, l'art numérique, par sa nature même, symbolise notre époque et notre culture technologique. Sa conservation est donc essentielle pour comprendre notre histoire et notre évolution.